L'audimat était presque parfait

Publié le par Pâle septembre

LEMONDE.FR | 13.08.09 | 17h38  •  Mis à jour le 18.08.09 | 22h27

ans son émission choc sur la criminalité, le présentateur vedette brésilien Wallace Souza se targuait d'arriver sur les lieux des crimes avant même la police. Lorsque ses caméras débusquaient un cadavre calciné dans un sous-bois, le corps fumait encore. Il est même arrivé à ses téléspectateurs d'assister, par écran interposé, à un meurtre par balle (voir le reportage d'Al Jazeera ci-dessous).

Wallace Souza, ancien policier reconverti dans la politique et la téléréalité, justifie le succès de "Canal Livre", son émission quotidienne depuis vingt ans, par une formule : "responsabilité journalistique". Sans doute las d'avoir été systématiquement doublés par les journalistes "responsables" de M. Souza pendant deux décennies, les policiers de l'Etat d'Amazonas, où était diffusée l'émission, ont fini par se poser des questions. Et ont commencé à trouver des réponses : ils le soupçonnent d'avoir commandité au moins cinq meurtres pour doper l'audience de son émission en se garantissant l'exclusivité des premières images.

En perquisitionnant le domicile du présentateur, qui se trouve également être député de l'Etat d'Amazonas, les policiers ont découvert un arsenal d'armes illégales et 100 000 dollars en liquide. Ce qui leur a permis d'affiner leur hypothèse et d'ajouter une casquette à Wallace Souza. Ancien policier, député, présentateur, ce quinquagénaire touche-à-tout est également soupçonné de verser dans le trafic de drogues. Les cinq meurtres qu'on lui reproche visaient tous des trafiquants de drogue. Il en aurait donc profité pour faire d'une pierre deux coups : doper ses audiences et descendre la concurrence.

Il faut dire que le mélange des genres est chez Wallace Souza plus qu'un art de vivre : une seconde nature. Le sujet de ses émissions, la dénonciation de la criminalité de la ville de Manaus, capitale de l'Amazonas, s'est révélé un thème de campagne des plus porteurs, puisqu'il lui valut d'être réélu trois fois député de l'Etat. "Manaus ne peut plus continuer à endurer tous ces crimes", aimait-il à répéter sur le plateau de son show entre deux courses-poursuites. "Aujourd'hui, tout le monde tue", se permettait-il d'ajouter d'un ton grave.

Une quinzaine de personnes de son entourage – dont son fils – ont été arrêtées. Selon le parquet, l'instruction devrait être achevée d'ici quinze à vingt jours. Wallace Souza, qui jouit d'une immunité en tant que député, est pour le moment toujours en liberté. Il en a profité pour clamer son innocence mercredi devant l'Assemblée législative de l'Etat d'Amazonas. "Je suis chrétien et j'ai une foi énorme, mais si le Christ était à nouveau crucifié, le coupable serait le député Wallace Souza", s'est-il écrié devant ses pairs, selon des déclarations reprises par un site du groupe d'information Globo.

Il a également demandé à ses collègues d'envoyer un représentant de l'Assemblée législative pour suivre les enquêtes de la police et du parquet, et a mis en cause la véracité des témoignages des personnes arrêtées dans le cadre des enquêtes. Car c'est le témoignage d'un de ses complices, interpellé l'an dernier, qui a porté un coup fatal à l'irrésistible ascension de M. Souza. Cet ancien policier chargé de sa sécurité a fini par avouer qu'un des neuf meurtres pour lequel il était inculpé avait été commis pour faire un sujet de "Canal Livre". Ou quand la téléréalité dépasse la fiction.


Soren Seelow (avec AFP)

Publié dans Société - Médias

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